Grand débat : et si on supprimait les avantages accordés aux anciens présidents ?

Chaque jour, dans le cadre du grand débat national, Le Parisien passe une de vos propositions au crible. Ce mercredi, zoom sur les privilèges accordés aux anciens présidents de la République.

En marge du grand débat national organisé par le gouvernement en réponse au mouvement des Gilets jaunes, Le Parisien invite ses lecteurs à lui envoyer les propositions de lois citoyennes qu’ils souhaiteraient voir émerger. Chaque jour, une partie d’entre elles seront passées au banc d’essai par la rédaction.

Ce mercredi, nous nous penchons sur les avantages accordés aux anciens présidents de la République. De nombreux électeurs nous ont soumis cette proposition, en englobant souvent en même temps les anciens ministres et députés.

De quoi parle-t-on ?

Un président de la République en exercice gagne environ 15 000 euros brut par mois. Après avoir quitté l’Elysée, il touche une somme dont le montant est fixé par la loi du 3 avril 1955, qui prévoit « une dotation annuelle d’un montant égal à celui du traitement indiciaire brut d’un conseiller d’Etat ». Soit environ 6 000 euros brut par mois.

Les anciens présidents peuvent gagner davantage encore, en fonction de leurs carrières politique ou professionnelle avant et après leurs années en tant que chefs de l’Etat. Sans oublier le fait qu’ils sont membres de droit et à vie du Conseil constitutionnel, ce qui peut rapporter gros : environ 14 000 euros brut. Jacques Chirac, François Hollande et Nicolas Sarkozy ayant renoncé à y siéger, seul Valéry Giscard d’Estaing perçoit cette somme. Supprimer ce droit est d’ailleurs au programme de la prochaine réforme constitutionnelle.

Des avantages matériels sont aussi prévus. Listés dans une simple lettre de 1985 rédigée par Laurent Fabius, alors Premier ministre, à Valéry Giscard d’Estaing, ils ont fait l’objet d’un décret en octobre 2016. En plus de bénéficier d’une protection, les anciens présidents disposent notamment de sept collaborateurs les cinq premières années. Ce chiffre tombe à trois au bout de cinq ans. « Des locaux meublés et équipés, dont le loyer, les charges et les frais généraux sont pris en charge par l’Etat », tout comme « leurs frais de réception et de déplacement ». A condition que ceux-ci soient liés à leurs fonctions d’anciens présidents.

Combien ça coûte ?

En l’occurrence, sur cette proposition, il s’agit d’économies pures. En 2016, l’Etat consacrait 9,6 millions d’euros aux anciens chefs d’Etat, selon les chiffres obtenus par René Dosière, ancien député PS de l’Aisne devenu président d’un think tank, l’Observatoire de l’éthique publique. A lui seul, Valéry Giscard d’Estaing « coûtait » près de 4 millions d’euros.

« Aujourd’hui, la dépense totale doit être autour de 6 à 8 millions d’euros », estime René Dosière, interrogé par Le Parisien. Si François Hollande est venu s’ajouter à la liste des anciens présidents, deux éléments faisant gonfler la facture ont été supprimés : la protection de la propriété de Valéry Giscard d’Estaing à Authon et celle de Jacques Chirac à Bity, en Corrèze. « Huit millions d’euros par an, cela correspond à une économie de 10 centimes par habitant et par an », résume René Dosière.

Est-ce que ça a déjà été testé ?

Pendant longtemps, la question ne s’est tout simplement pas posée. Charles de Gaulle est décédé en 1970, un an après sa démission, et ne demandait rien. Georges Pompidou est mort en 1974 pendant qu’il était en fonction. C’est seulement après la défaite de Valéry Giscard d’Estaing, en 1981, que le sujet est venu sur la table.

Par rapport aux autres pays européens ou aux Etats-Unis, la situation en France « n’est pas anormale », avance René Dosière. Un rapport remis il y a quelques années à François Hollande par le président de la Cour des comptes et le vice-président du Conseil d’Etat soulignait cependant que « le dispositif de soutien matériel dont bénéficient les anciens présidents se situe à un niveau plus élevé que ceux qui existent à l’étranger ». En revanche, « leurs revenus sont plus limités lorsqu’ils ne bénéficient plus de la rémunération attachée à l’exercice effectif des fonctions de membres du Conseil constitutionnel ».

Qu’en disent les différentes familles politiques ?

Le sujet s’est invité sur les bancs de l’Assemblée en 2017, pendant l’examen par les députés du projet de loi sur la moralisation de la vie publique. L’élue de La France insoumise Danièle Obono avait déposé un amendement (rejeté) pour supprimer ces avantages.

Excepté la réforme constitutionnelle qui prévoit donc de supprimer le siège réservé au Conseil constitutionnel, le gouvernement n’a pas l’intention de toucher aux avantages des ex-présidents. En mai 2018, à une question posée par la députée Les Républicains Valérie Bazin-Malgras, il a répondu ne pas envisager de modifier le décret de 2016.

Alors, jouable ou pas ?

Mettre un terme à ces avantages ne présente pas de difficulté particulière. « La nature de ces avantages ayant été fixée par un décret présidentiel, un autre décret du chef de l’Etat suffirait pour dire que les anciens présidents n’ont droit à rien », explique René Dosière.

Difficile pour autant d’imaginer que l’Etat ne consacre pas un seul centime aux ex-présidents, ne serait-ce que pour assurer leur sécurité qui tient plus de la nécessité que de l’avantage.

Les + d’une telle réforme…

  • Une économie comprise entre 6 et 8 millions d’euros par an.
  • Le sentiment qu’un ancien président redevient un citoyen (presque) comme les autres.

…Et les –

  • Un potentiel risque pour la sécurité de ces anciens très hauts responsables de l’Etat français.

Source : LeParisien

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